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Formation de l’employé : L’employeur condamné à payer ?

21 septembre 2023

Dans le cadre de l’emploi de ses salariés, il n’est pas rare que l’employeur dépense des sommes importantes pour le développement professionnel de ceux-ci. Cela se traduit notamment par le fait de leur offrir, ou même de leur exiger dans certains cas, qu’ils suivent des formations. Dans la mesure où les employés demeurent un certain temps au service de l’employeur, il est concevable que ce soit l’employeur qui assume les frais inhérents à ces formations. Effectivement, à long terme, ce dernier a intérêt à investir dans les compétences de ses salariés. Qu’advient-il toutefois du cas de l’employé qui n’effectue qu’un court passage dans l’organisation où des formations lui ont été payées ? L’employeur est-il en droit d’exiger le remboursement de ces frais ou est-il tenu d’assumer la perte de cet investissement ?

D’emblée, il importe de souligner que l’article 85.1 de la Loi sur les normes du travail (ci-après la « LNT » ou la « Loi ») prévoit, notamment, qu’un employeur ne peut exiger d’un salarié une somme d’argent pour payer des frais reliés aux opérations de l’entreprise, ce qui, selon les tribunaux1, comprend les frais de formation. Qui plus est, l’article 85.2 LNT prévoit spécifiquement qu’un employeur est tenu de rembourser au salarié les frais raisonnables encourus lorsque, sur demande de l’employeur, le salarié doit effectuer un déplacement ou suivre une formation2. Ces dispositions législatives, lesquelles sont d’ordre public, viennent ainsi établir certaines normes à respecter quant aux frais de formation, interdisant notamment à tout employeur de réclamer les frais d’une formation d’un employé lorsqu’une telle formation est demandée ou exigée par l’employeur.

Or, malgré ces dispositions, les tribunaux sont venus reconnaître, dans certaines circonstances, la validité d’une entente conclue avec un salarié par laquelle le salarié acceptait de rembourser les dépenses de formation (tels que les frais d’inscription, d’hébergement, de déplacement et de repas) à l’employeur, en tout ou en partie, s’il quittait volontairement son emploi dans une période de temps prédéterminée.

En effet, la jurisprudence reconnaît généralement la validité d’une telle entente de remboursement lorsque la formation visée par l’entente n’est pas obligatoire et qu’elle a été acceptée par l’employé3. Il en est de même pour le cas d’une formation suivie par un candidat pour se doter des qualifications préalables à une embauche4. Les tribunaux retiennent qu’il y a des raisons sociales qui justifient ces deux situations. La première est associée au bénéfice pouvant découler d’ententes convenables concernant des objets qui sont en dehors du contrat d’emploi, d’intérêt mutuel pour les salariés et les employeurs5. La deuxième consiste dans le fait qu’il ne faudrait pas imposer aux employeurs l’obligation de former tous les employés qu’ils voudraient engager et ainsi les inciter à exclure à l’embauche ceux qui n’ont pas des qualifications préalables6.

Les tribunaux ont également reconnu la validité de ce type d’entente de remboursement lorsque l’employé quitte son emploi de manière hâtive, dans la mesure où il est démontré que la formation constitue un « actif personnel » pour ce dernier7. Ainsi, dans ce dernier cas, pour faire assumer à l’employé les frais d’une formation, en tout ou en partie, les compétences acquises à l’occasion de la formation doivent être, par exemple, susceptibles de profiter à d’autres futurs employeurs. L’employé doit en tirer un bénéfice personnel en dehors de la relation exclusive employeur-employé8.

Somme toute, dans le type de situations précitées, il est intéressant de voir que les tribunaux accordent une certaine liberté contractuelle entre l’employeur et ses employés relativement aux frais de formation, le tout dans le respect des normes prescrites par la Loi. Précisons toutefois que, dans le cas d’une organisation syndiquée, la participation du syndicat à l’entente, le cas échéant, serait requise et que celle-ci devrait bien entendu respecter les dispositions de la convention collective.

1 Voir Comité paritaire de l’industrie des services automobiles de la région de Montréal c. Hewitt Équipement ltée, 2012 QCCQ 1485, para. 95 (ci-après « Hewitt »);
2 Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art. 85.1 et 85.2;
3 Centre du camion Mabo inc. c. Chevalier, 2006 QCCQ 16212;
4 Voir Supra note 1, Hewitt, para. 85;
5 Ibid, para. 86;
6 Ibid, para. 87;
7 Voir Services d’inspection BG inc. c. Duclos, 2008 QCCQ 11665, para. 32; Voir Chayer c. Atelka inc., 2010 QCCRT 128, para. 26;
8 Voir Créances garanties du Canada ltée c. Commission des normes du travail, 2008 QCCA 1428, para. 26.