La Loi 108, ou Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics, a été adoptée le 1er décembre 2017. Cependant, ce n’est que le 25 mai 2019 qu’entreront en vigueur les dispositions modifiant notamment la Loi sur les cités et villes et le Code municipal relatives à l’obligation pour les organismes municipaux de traiter les plaintes qu’ils recevront à l’égard de leurs processus de demandes de soumissions publiques et de leurs avis d’intention de conclure un contrat de gré à gré avec un fournisseur unique 1.
À cette date, les municipalités devront s’être dotées d’une procédure portant sur la réception et l’examen des plaintes formulées, laquelle procédure devra être accessible en tout temps sur leur site Internet ou à défaut, sur celui de la municipalité régionale de comté. Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (le « MAMH ») a récemment publié un aide-mémoire des différentes étapes devant être suivies.
1° Vérification de l’intérêt du plaignant
La Loi 108 prévoit que « seul une personne intéressée ou un groupe de personnes intéressées à participer au processus d’adjudication ou son représentant peut porter plainte ». Selon le MAMH, une personne intéressée est une personne ayant la capacité d’exécuter le contrat en cause.
Une municipalité pourra donc refuser de traiter une plainte si le plaignant n’a pas l’intérêt requis. Toutefois, il est souhaitable que son refus soit communiqué par écrit puisque, si le plaignant porte ensuite plainte à l’Autorité des marchés publics (ci-après l’ « AMP »), la municipalité devra faire part de ses observations « sans délai ».
2° Inscription au SEAO
Lorsqu’une municipalité recevra une première plainte, elle devra faire mention de la date de sa réception au système électronique d’appel d’offres.
3° Recevabilité de la plainte
Pour être recevable, une plainte devra d’abord être transmise par voie électronique conformément à la procédure établie par la municipalité et à l’aide du formulaire officiel de l’AMP. La plainte devra nécessairement viser une demande de soumissions publique en cours et porter sur le fait que les documents de demande de soumissions, soit (i) prévoient des conditions qui n’assurent pas un traitement intègre et équitable des concurrents, (ii) ne permettent pas à des concurrents d’y participer bien qu’ils soient qualifiés pour répondre aux besoins exprimés, ou (iii) ne sont pas autrement conformes au cadre normatif de la municipalité. Par ailleurs, la plainte devra avoir été reçue au plus tard à la date limite de réception des plaintes indiquée au SEAO.
4° Analyse de la plainte
Ces étapes franchies, la municipalité devra ensuite procéder à l’analyse de la plainte et devra rendre une décision au plus tard trois (3) jours avant la date limite de réception des soumissions, laquelle devra, au besoin, être reportée. Comme le rappel le MAMH dans son bulletin Muni Express n° 4 – 18 avril 2019, une municipalité ne prévoyant que le minimum exigé par la loi pour publier un appel d’offres public n’aura qu’une (1) journée pour traiter une plainte.
5° Modification des documents de demande de soumissions
Après avoir procédé à l’analyse d’une plainte, une municipalité pourra à sa discrétion modifier les documents de demande de soumissions par addenda. Rappelons ici que si l’addenda est publié au SEAO dans les deux (2) jours précédant la date limite de réception des plaintes, toute plainte relative à cet addenda devra être transmise directement à l’AMP par le plaignant.
6° Transmission de la décision de la municipalité au plaignant
La municipalité devra informer le plaignant de sa décision par voie électronique, en plus de l’informer de son droit d’adresser une plainte à l’AMP au plus tard trois (3) jours suivant la réception de cette décision.
Nous précisons ici que les nouvelles dispositions prévoient des délais minimums entre la transmission d’une décision et la réception des soumissions, lesquels délais sont notamment fonction des plaintes reçues et des modifications apportées aux documents de soumissions. Afin de minimiser les erreurs liées à la computation des délais, l’AMP s’est engagée à fournir un outil informatisé et à le rendre accessible aux municipalités.
7° Inscription au SEAO de la date de la décision
Finalement, la municipalité devra rapidement indiquer au SEAO qu’une décision a été transmise à l’égard d’une plainte. Dans l’éventualité où elle ne l’aurait pas fait au plus tard deux (2) jours avant la date limite de réception des soumissions, l’exploitant du SEAO reportera automatiquement celle-ci de quatre (4) jours.
En ce qui a trait à l’avis d’intention de conclure un contrat de gré à gré avec un fournisseur, rappelons simplement que la municipalité devra publier un tel avis au SEAO au moins quinze (15) jours avant de conclure le contrat. Dans l’éventualité où une personne manifesterait son intérêt de réaliser le contrat, la municipalité devra ensuite procéder à l’analyse de la capacité de cette personne, puis transmettre une décision de maintenir ou non son intention de conclure le contrat en cause au moins sept (7) jours avant la date prévue de conclusion du contrat.
Nous retenons de ce qui précède que les municipalités ont tout intérêt à établir rapidement une procédure conforme aux nouvelles dispositions législatives. Bien que la MAMH fournisse certains outils encadrant cette démarche, il n’en demeure pas moins qu’il est primordial de s’assurer que les nouvelles normes seront respectées. Une procédure adéquate fera également en sorte que tout nouveau processus d’appel d’offres ou de gré à gré respectera les règles introduites par la Loi 108.
1 Les plaintes ne seront admissibles que si elles concernent un contrat dont la valeur est de 101 100 $ ou plus.