Pour quels motifs une municipalité peut-elle résilier un tel contrat lorsqu’elle considère que les travaux ne sont pas effectués convenablement? En cette saison où les fréquentes bordées de neige abondante sont entrecoupées d’épisodes de pluie verglaçante, la question se pose lorsque l’entrepreneur ayant décroché le contrat ne déneige pas ni n’entretient convenablement la voie publique dans l’opinion des citoyens et des décideurs municipaux.
L’honorable Sylvain Provencher de la Cour Supérieure dans la décision Mini excavations GAL inc. c. Municipalité du Village de Stukely-Sud, 2017 QCCS 573, a eu à analyser cette question et y répondre.
Bien qu’elle n’en traite que sommairement, la Cour Supérieure dans cette décision mentionne d’abord qu’une municipalité pourrait résilier unilatéralement sans motif un tel contrat à la condition qu’elle n’ait pas renoncé à ce droit prévu à l’article 2125 du Code civil du Québec :
[27] Le contrat d’entretien et de déneigement est un contrat de service au sens des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec. [28] En présence d’un contrat de service, le créancier d’une obligation a le droit, en cas d’inexécution, à la résiliation du contrat. À ce droit, s’ajoute la faculté pour le client d’y mettre fin unilatéralement sans motif. [29] Aussi, comme la règle imposée à l’article 2125 C.c.Q. n’est pas d’ordre public, les parties peuvent décider de mettre de côté le droit de résiliation unilatérale du client. Cela dit cependant se faire de manière non équivoque. [Références omises.]Or, en l’espèce, la municipalité du Village de Stukely-Sud invoquant des défauts d’exécution du contrat plutôt que son potentiel droit de résiliation unilatéral, la Cour Supérieure a dû examiner les défauts invoqués et établir s’ils étaient suffisants pour la résiliation extrajudiciaire en raison de l’inexécution contractuelle des obligations de Mini excavations GAL inc.
Trois motifs étaient invoqués par la municipalité pour résilier le contrat, soit la présence de roches ou cailloux dans l’abrasif, le manque l’abrasif sur les chemins municipaux et des opérations de déneigement déficientes.
Bien que la présence de roches ou cailloux dans l’abrasif ait été corrigée avant la résiliation du contrat, le juge conclut que la preuve a effectivement révélé une telle présence et que la situation avait causé des ennuis aux citoyens de la municipalité.
Ensuite, la preuve dans cette affaire a révélé que les chemins municipaux, lorsque déneigés, étaient glissants et manquaient d’abrasifs, la Cour Supérieure a jugé qu’il s’agissait d’un manquement sérieux et important et que « la responsabilité première de s’assurer que les routes ne sont pas glacées ou glissantes revient à G.A.L., elle qui se présente comme une entreprise de déneigement d’expérience et à qui cette tâche est confiée » [par. 72].
Concernant les opérations de déneigement, la preuve a révélé que l’entrepreneur commençait ses opérations tardivement plutôt que de les effectuer sans interruption tant qu’il neigeait. Les citoyens devaient alors circuler sur des routes enneigées et dangereuses. Cette situation, couplée au manque d’abrasif sur les routes effectivement déneigées, « [rendait] la circulation sur les chemins de STUKELY difficile, voire dangereuse. » [par. 100]
Mini excavations GAL inc. prétendant ne pas être au courant des reproches qu’on lui adressait, la Cour Supérieure lui répond qu’ « il lui aurait été facile de le constater en effectuant une visite des routes, d’autant plus que la responsabilité de voir au déneigement et à s’assurer que les routes sont sécuritaires lui revient. Si elle ne l’a pas constaté, c’est que ses opérateurs l’ont mal renseignée ou bien, qu’elle-même a négligé de vérifier ». C’est à l’entrepreneur que revient l’obligation de patrouiller le territoire pour s’assurer, en tout temps, que l’entretien est bien fait et non pas à la municipalité. Elle n’a donc pas l’obligation de dénoncer à l’entrepreneur les endroits précis où il y a une problématique.
Ces manquements ont été jugés suffisamment importants et répétitifs de sorte que la résiliation extrajudiciaire du contrat était justifiée et la municipalité n’avait pas à payer quelconque indemnité à l’entrepreneur.
Cependant, si l’entrepreneur a fourni un cautionnement d’exécution, ce cautionnement ne peut être utilisé par la municipalité que pour acquitter les frais pour faire corriger ou reprendre des travaux pour lesquels elle a déjà payé et non pour « des services pour lesquels elle aurait de toute façon dû payer, n’eût été la résiliation du contrat ». Elle ne peut donc pas se servir du cautionnement d’exécution pour acquitter les coûts des opérations de déneigement entre la résiliation du contrat et l’octroi d’un nouveau contrat par appel d’offres. Si les travaux ne sont pas corrigés ou repris, le cautionnement doit être remboursé à l’entrepreneur.