La Cour supérieure s’est penchée récemment, le 3 janvier 2018, dans le dossier Miller c. Fontaine[1] sur la question de savoir si un officier à temps partiel d’un Service de sécurité incendie est éligible au poste de conseiller municipal.
Le conseiller nouvellement élu aux élections de novembre 2017 est également employé de la municipalité à titre de pompier. Plus particulièrement, le défendeur occupe la fonction de chef de division au Service de sécurité incendie à temps partiel depuis novembre 2006.
En vertu du Règlement de constitution du service de sécurité incendie, tous les membres du service sont des pompiers et sont rémunérés. La preuve révèle que tous les pompiers à temps partiel sont rémunérés sur une base horaire lors des interventions ainsi que lors de certaines activités, par exemple, de formation.
Le débat entre les parties se base principalement sur la définition du terme « pompier volontaire » de l’article 63 (10) de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.
Le juge de la Cour supérieure rappelle d’emblée l’importance fondamentale du droit démocratique prévu dans les Chartes des droits, et que toute limitation à ce droit constitutionnellement reconnu doit être interprétée restrictivement[2].
S’attardant plus amplement à la portée de la disposition de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, l’Honorable juge Parent mentionne ce qui suit :
Cette disposition cible les fonctionnaires et employés municipaux. Toutefois, l’interdiction comporte trois exceptions permettant aux préposés d’une municipalité de se présenter comme conseiller. En cas d’ambigüité, ces exceptions devraient être interprétées de manière à favoriser l’exercice du droit fondamental de pleinement participer au processus électoral[3].
Soulignant l’absence de définition du terme « pompier volontaire » dans la législation québécoise[4], le juge s’attarde au texte même de l’article 63 et y dénote la présence des termes « sur une base ponctuelle ». Se référant aux définitions communes de ces termes, le juge mentionne ce qui suit :
Ainsi, on peut affirmer que le pompier volontaire, au sens de l’article 63(1) de la Loi, intervient, sans y être forcé, à des moments précis, dans l’objectif de combattre des incendies[5].
Le tribunal enchaine en mentionnant :
Cela ne signifie pas pour autant que, dès qu’un pompier est appelé sans qu’il y ait un incendie qui fait rage, il perd sa qualité de « pompier volontaire ». En effet, tout pompier doit respecter des exigences de formation imposées par la législation, lesquelles ont évolué au fil des ans. Son rôle ne se limite pas à un déplacement sur les lieux d’un incendie[6].
Le juge se réfère à la Loi sur la sécurité incendie afin d’y énumérer les responsabilités d’un service incendie.
Le juge en vient à la conclusion que les termes « pour combattre les incendies » comprennent, notamment l’évaluation des risques d’incendie et leur prévention en plus de la recherche, de l’origine et des causes probables d’un incendie. Le juge, de l’analyse de la Loi sur la sécurité incendie et des règlements connexes, tire la conclusion que tout pompier qui offre ses services à une municipalité est assujetti aux mêmes exigences et responsabilités que ceux-ci soient à temps plein, partiel ou volontaire.
De l’analyse factuelle, le juge conclut que « les responsabilités supplémentaires du défendeur comme chef de division n’apparaissent pas déterminantes. Il demeure un pompier qui, sur une base volontaire, agit de manière ponctuelle pour la Municipalité »[7].
Il est intéressant de noter que le juge mentionne que l’exception de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités date de 1987 et que les rôles et responsabilités des intervenants en matière incendie ont grandement évolué depuis ce temps. Le juge conclut :
Ainsi, on ne peut interpréter l’article 63(1) de la Loi en faisant abstraction de cette évolution.[8]
Le juge conclut :
Dans l’organigramme du service de sécurité incendie de la Municipalité, le défendeur relève d’un directeur qui, lui, est un employé à temps plein de la Municipalité. L’appartenance à l’état-major du service, selon les termes employés à l’organigramme de la Municipalité, ne change rien à la réalité du poste occupé par le défendeur, pas plus que le titre de pompier à temps partiel qui coiffe la politique adoptée par la Municipalité. En outre, le poste du défendeur ne se situe pas au sommet de la hiérarchie, contrairement à la situation prévalant dans l’affaire tranchée par le juge Crête[9].
Le juge conclut que la possibilité de conflit d’intérêt du défendeur agissant comme conseiller lorsque les questions pourraient être soulevées relativement au service incendie ne causera pas de problème compte tenu de l’encadrement législatif des articles 361 et 362 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.
Le juge rejette donc la demande de déclarer inéligible le défendeur au poste de conseiller municipal.
[1] Miller c. Fontaine, 2018 QCCS 39 (NDLR au moment d’écrire cet article, le délai d’appel n’était pas expiré)
[2] Id., Par. 24
[3] Id., Par. 27
[4] Id., Par. 29
[5] Id., Par. 32
[6] Id., Par. 33
[7] Id., Par. 44
[8] Id., Par. 48
[9] Id., Par. 58 (Picard c. Bastien, 2012 QCCS 3857)