En 2010, le législateur adoptait la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale (RLRQ, c. E-15.1.0.1), en conséquence de laquelle les élus municipaux devaient adopter (et réviser périodiquement) un Code d’éthique et de déontologie qui établit des valeurs et des règles auxquelles tout élu doit adhérer.
Une fois ce Code d’éthique et de déontologie en vigueur, toute personne qui a des motifs raisonnables de croire qu’un élu a commis un manquement à ce Code peut en saisir la Commission municipale du Québec (par un écrit assermenté, motivé et accompagné de pièces justificatives), et ce, jusqu’à trois (3) ans après la fin du mandat de l’élu en défaut.
La Commission commence par évaluer le sérieux de la plainte, voir si elle n’est pas frivole, vexatoire, ou manifestement mal fondée, et si le demandeur fournit les renseignements et documents demandés. Si la plainte est sérieuse, la Commission instaure une enquête contre l’élu visé.
En cas de manquement, les sanctions peuvent être une réprimande, une ordonnance de rembourser les sommes acquises en contravention du Code, et/ou une suspension temporaire de l’élu.
La Loi prévoit par ailleurs que l’élu en question a droit de présenter une défense pleine et entière, et entre autres de fournir ses observations, à savoir s’il a commis un manquement à une règle prévue au Code d’éthique et de déontologie et, le cas échéant, sur la sanction qui pourrait lui être imposée.
Ce processus, malheureusement, peut résulter en des coûts significatifs pour la municipalité. En effet, une défense pleine et entière inclut la possibilité de recourir aux services d’un avocat. Il convient de rappeler que toute municipalité doit assumer la défense d’un élu dans une procédure dont est saisi un tribunal et qui est fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice des fonctions d’une personne comme membre du Conseil municipal. L’élu a la possibilité de retenir les services de l’avocat de son choix.
Il s’ensuit donc que toute plainte faite par toute personne, et qui est retenue par la Commission, peut forcer la municipalité à payer des dizaines de milliers de dollars en honoraires pour payer l’avocat retenu par l’élu faisant l’objet de la plainte, et ce, pour résulter, dans les cas où la plainte s’avère fondée, en des sanctions qui peuvent paraître bénignes.
On peut donc se demander si le jeu en vaut la chandelle.
Attention cependant : l’élu qui se réjouit que ses coûts de défense soient assumés par la municipalité pourrait déchanter par la suite. Il est en effet prévu à la Loi que celui-ci devra rembourser, à la demande de la municipalité, la totalité de ces coûts si ce qui lui est reproché est une faute lourde, intentionnelle ou séparable de l’exercice de ses fonctions d’élu, ou si le tribunal a été saisi de la procédure à la demande de la municipalité.
À titre d’exemple, tout récemment (le 24 avril dernier), la Cour du Québec a rendu jugement dans la cause Municipalité de Normétal c. Dickey (2017 QCCQ 3637). On reprochait au maire d’avoir suspendu la directrice générale, sans droit et sans autorisation préalable du Conseil. La Cour du Québec a décidé que cet acte n’avait pas été commis dans l’exécution honnête, normale et prévisible des fonctions du maire, mais qu’il s’agissait plutôt d’une action planifiée afin d’écarter la directrice générale pendant le cheminement d’un dossier de vérification comptable alors qu’il avait lui-même un intérêt dans ce dossier.
La juge a condamné le maire de la Municipalité de Normétal à rembourser non seulement des honoraires d’avocats assumés par la Municipalité pour les représentations faites à la Commission, mais également à rembourser ceux que la Municipalité avait dû payer par la suite à l’avocat du maire dans sa défense contre la demande de remboursement !
Comme le soulignait la juge de la Cour du Québec dans le jugement précité, dans les cas où un élu a sérieusement contrevenu au Code d’éthique et de déontologie, on pourrait dire que ce n’est qu’une avance de fonds que doit octroyer la municipalité pour défendre ses élus et employés.