En cette année électorale dans le milieu municipal québécois, de nombreux citoyens seront tentés de commenter et de critiquer les élus en place. De ce nombre, certains employés municipaux seront enclins à manifester publiquement leur réprobation à l’égard de leur employeur public et de certaines de ses politiques.
Dans ce contexte, la liberté d’expression des employés l’emporte-t-elle sur leur obligation de loyauté à l’égard de leur employeur ?
Dans une récente décision<1>, un employé travaillant comme pompier et col bleu pour une ville a ouvertement critiqué, dans un article du journal local, le travail de ses collègues policiers quant aux constats d’infraction donné à des motocyclistes. L’employé soutenait avoir émis ses propos à titre personnel comme citoyen de cette même ville.
De plus, après que cet employé ait accroché la porte du garage de la caserne avec le camion de la ville, son supérieur a découvert, dans le cadre de son enquête, qu’il s’était également permis de critiquer sévèrement le maire de la ville à quelques reprises sur sa page Facebook. En raison de ces manquements, l’employé a fait l’objet d’une suspension de dix jours. Saisi d’un grief contestant cette suspension, l’arbitre a maintenu la suspension disciplinaire imposée à l’employé.
En référant à une autre sentence arbitrale ayant également analysé les obligations de civilité et de loyauté d’un employé municipal dans ses relations avec son employeur, le tribunal retient qu’un employé d’un corps public a un devoir de respect à l’égard de son employeur et des élus siégeant au sein du conseil municipal. Plus particulièrement, ce devoir prévaut à l’égard du maire d’une ville, lequel se retrouve au sommet de la hiérarchie municipale.
En ce qui concerne l’obligation de loyauté, l’arbitre rappelle qu’une institution publique n’est pas un employeur comme un autre et que ses employés sont soumis à une obligation de réserve quant à l’expression publique de leurs opinions politiques. Cette obligation vise à préserver la confiance de l’employeur et de ses citoyens envers l’employé municipal afin d’assurer la capacité de l’institution de remplir sa mission d’intérêt public avec efficacité.
Les employés municipaux sont également assujettis à une obligation de respect de l’institution, laquelle vise le même objectif, mais de façon indépendante des personnes en place.
Un employé ne peut se prévaloir de son statut de citoyen afin d’émettre certaines critiques à l’égard de l’administration municipale ou de ses élus. Ce statut ne peut excuser les écarts de conduite objectivement répréhensibles de l’employé dans le cadre de sa relation d’emploi.
Ainsi, il importe de rappeler que les employés d’un corps municipal peuvent émettre certains commentaires, voire des critiques à l’égard de son employeur dans l’exercice de leur liberté d’expression. Cependant, cette liberté ne peut justifier le caractère abusif des propos qui pourraient être émis par ces employés. À cet égard, il importe de bien évaluer chaque situation en fonction de son contexte avant d’imposer une mesure disciplinaire et, le cas échéant, d’évaluer la sévérité d’une telle mesure.
<1> Syndicat des pompiers et pompières du Québec (SPQ), section locale Granby et Ville de Granby, le 24 janvier 2017, Me Suzanne Moro, arbitre.