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Travail, emploi et immigration

Santé et sécurité au travail

Santé et sécurité au travail Dispositions générales : la présomption de l’article 28 LATMP après la décision Boies

Par : Bergeron, Jennifer

21 septembre 2023

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après « LATMP ») a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires, et ce, en vue de faciliter la réadaptation des travailleurs accidentés.

Lors de l’adoption de cette loi en 1985, le législateur a notamment introduit une présomption en faveur des travailleurs, en vue de faciliter la preuve à faire lors d’une réclamation produite à la CNESST. Depuis l’adoption de cette présomption, plusieurs décisions divergentes ont été rendues relativement à son application. Ce faisant, la décision Boies et CSSS Québec-Nord<1> vient éclaircir l’interprétation et l’application de la présomption de lésion professionnelle, en vertu de l’article 28 de la LATMP. Ainsi, vous trouverez les grands enseignements de cette décision.

L’application

En regard à l’application de cet article de la LATMP, les juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles mentionnent dans la décision que cette présomption vise, de façon précise, une catégorie de lésion professionnelle, à savoir la blessure. Afin de bénéficier de la présomption de l’article 28 de la LATMP, à l’effet qu’une blessure est présumée être une lésion professionnelle, le travailleur doit faire la preuve de trois éléments :

1. qu’il a subi une blessure
2. que la blessure est arrivée sur les lieux du travail
3. alors qu’il était à son emploi

L’interprétation

Qu’est-ce qu’une « Blessure »

L’article 224 de la LATMP demeure le point de départ de cette notion, en absence de définition dans la LATMP, puisque la CNESST est liée par les diagnostics et les conclusions retenues par le médecin qui a charge du travailleur. Le Tribunal conclut que :

« [154] (…) que la notion de « blessure » comporte généralement les caractéristiques suivantes :

– il s’agit d’une lésion provoquée par un agent vulnérant externe de nature physique ou chimique, à l’exclusion des agents biologiques comme par exemple des virus ou des bactéries.

– il n’y a pas de temps de latence [66] en regard de l’apparition de la lésion, c’est-à-dire que la lésion apparaît de façon relativement instantanée. Dans le cas d’une maladie, il y a au contraire une période de latence ou un temps durant lequel les symptômes ne se sont pas encore manifestés.

– la lésion entraîne une perturbation dans la texture des organes ou une modification dans la structure d’une partie de l’organisme. »

Que signifie « qui arrive sur les lieux du travail »

Il s’agit de l’endroit physique où un travailleur exécute son travail. Il peut s’agir d’un endroit à l’intérieur ou à l’extérieur d’un établissement. Il comprend tous les lieux auxquels le travailleur a accès afin d’exécuter son travail.

Ainsi la notion du verbe « qui arrive » ne laisse pas sous-entendre l’utilisation du caractère de « causalité », mais bien l’utilisation « temporelle ». Il doit donc exister une corrélation entre le moment de la survenance et l’endroit de la survenance, à savoir, être sur les lieux du travail.

Que signifie « alors que le travailleur est à son emploi »

Cette notion trouve application chaque fois que le travailleur exécute une fonction principalement ou accessoirement reliée à son travail. Par ailleurs, ne peuvent être inclus « le fait de se rendre à l’extérieur par exemple des lieux de travail pour prendre sa pause, ni le fait d’entrer ou de sortir du lieu de travail.<2> »

Lors de son analyse, le tribunal ne tiendra compte d’aucune autre condition. Toutefois, il peut apprécier des éléments factuels afin de décider si les trois conditions sont démontrées, notamment<3> :

– le moment d’apparition des premiers symptômes
– l’existence d’un délai entre le moment où le travailleur prétend à la survenance de la blessure ou de – l’événement en cause et la première visite médicale
– l’existence d’un délai entre l’évènement et la première déclaration à l’employeur
– la poursuite des activités normales de travail malgré la blessure alléguée
– l’existence de diagnostics différents ou imprécis
– la crédibilité du travailleur
– l’existence d’une condition personnelle symptomatique le jour des faits allégués à l’origine de la blessure

Néanmoins, ces éléments ne sont pas constitutifs de la présomption. L’application de l’article 28 de la LATMP va entraîner deux effets sur la réclamation du travailleur, à savoir :

« 1. Celui de dispenser le travailleur de faire la preuve d’un événement imprévu et soudain, donc d’un accident du travail; et
2. Celui de présumer la relation causale entre la blessure et les circonstances de l’apparition de celle-ci. »

Par ailleurs, l’employeur aura la possibilité de repousser la présomption en apportant une preuve prépondérante, à l’effet :

1. Qu’il n’y a pas de relation causale entre la blessure et les circonstances d’apparitions de la blessure;
2. Que la cause de la blessure n’est pas reliée au travail;
3. Qu’il s’agit d’une condition personnelle au travailleur.

Enfin, il est important de ne pas oublier qu’il s’agit d’une disposition visant à faciliter la preuve faite par le travailleur de l’existence de la lésion professionnelle. Ainsi, lorsque le travailleur fera la preuve des trois éléments constitutifs, à savoir qu’il a subi une blessure, qui arrive sur les lieux du travail, alors qu’il était à son travail, la blessure sera présumée être une lésion professionnelle. Toutefois, l’employeur a la possibilité de renverser la présomption.

Ainsi, malgré que la décision soit datée de 2011, elle demeure à ce jour la décision clé suivie par les tribunaux administratifs concernant l’application, ainsi que l’interprétation de la présomption de l’article 28 de la LATMP, et il y a tout lieu de croire que le nouveau tribunal administratif du travail va continuer d’appliquer cette décision, afin de préserver la cohérence décisionnelle.

Pour toute question, n’hésitez pas à communiquer avec nous.

<1> Boies et CSSS Québec-Nord, 2011 QCCLP 2775.
<2> Id., para 183.
<3> Id., para 111.
<4> Id., para 189.