Dans un jugement récent de la Commission des relations du travail1, la commissaire Myriam Bédard a accueilli les plaintes de destitution et de harcèlement psychologique déposées par le Directeur général et le Directeur des services juridiques de la Ville de Ste-Brigitte-de-Laval.
Suivant les élections, Mme Wanita Daniele, une ancienne employée de la Ville, fut élue Mairesse avec plusieurs de ses supporters à titre de conseillers.
La campagne de Mme Daniele portait sur la nécessité de faire du ménage et d’améliorer la transparence au sein de la Ville. Bien que les plaignants avaient plusieurs années d’ancienneté et avaient grandement participé à l’essor de la Ville, ils savaient, suivant les élections, que leurs jours à titre d’employés étaient comptés. L’avenir leur donna raison puisque peu de temps après l’arrivée du nouveau Conseil, une enquête fut ouverte et le Directeur général fut suspendu sans solde, puis destitué. Le sort réservé au Directeur des services juridiques allait s’avérer le même.
Bien que la commissaire Bédard traite amplement des motifs invoqués par la Ville pour destituer les plaignants, il demeure que l’élément central à la base de cette destitution reposait dans la perception qu’avaient les nouveaux élus, à savoir que les plaignants étaient corrompus :
« Cette situation influence et fausse la vision des nouveaux élus, inexpérimentés en gouvernance municipale, qui perçoivent les processus en place comme des tentatives de cacher de l’information et qui ont du mal à distinguer les aspects politiques de la tâche des aspects administratifs, qui reviennent aux fonctionnaires municipaux. » 2
La commissaire conclut que plusieurs gestes posés par le nouveau Conseil transpirent la vengeance et qu’ils ne servaient pas l’intérêt de la Ville. Elle ordonna la réintégration des deux plaignants et réserva sa compétence pour déterminer les sommes dues.
Dans une autre décision relativement récente de la CRT3, la plaignante, qui occupait le poste de secrétaire-trésorière depuis 25 ans au sein de la Municipalité de Saint-Prosper fut destituée moins d’un an après l’élection d’un nouveau Conseil municipal.
Suivant l’analyse des nombreux reproches faits à la plaignante, le commissaire Garant conclut que la véritable cause de la destitution repose dans le manque d’expérience du nouveau Conseil municipal et dans sa méconnaissance du domaine municipal. Le commissaire écrivait qu’il était, dans ces circonstances, difficile de reconnaître dans la divergence d’opinions entre la secrétaire-trésorière et le Conseil municipal un geste d’insubordination :
« La directrice générale, dans une petite municipalité comme Saint-Prosper, joue un rôle de conseiller et d’objecteur de conscience. Dans ses tâches, elle doit dresser un portrait de la situation à des élus à temps partiel qui ne sont pas férus des réalités municipales de façon égale. On ne peut donc reprocher à la plaignante qu’elle diverge parfois d’opinion avec le conseil, son expérience lui commandant de suggérer plusieurs avenues. »4
La réintégration fut également ordonnée par la Commission.
Finalement, citons la décision impliquant la Municipalité de Saint-Joseph-de-Ham-Sud,rendue en 2005, où la Commission des relations du travail met en garde les nouveaux élus d’agir trop rapidement et sans fondement dans leur décision de se départir des employés-cadres de la Municipalité. La plaignante, secrétaire-trésorière, fut destituée à peine quelques mois suivant l’arrivée du Conseil. Les nouvelles exigences de celui-ci à son égard ont été jugées abusives :
« La municipalité a agi beaucoup trop rapidement. En une centaine de jours, soit de la première séance du nouveau conseil, le 7 novembre 2003, à la date de la suspension de la plaignante, le 3 mars 2004, elle écarte une vingtaine d’années de service sans tache. Le contexte politique a contaminé les agissements du conseil en faisant en sorte qu’on ne laisse aucune marge de manœuvre à Monique Polard. Le conseil aurait dû procéder de manière graduelle en procurant de l’aide à la plaignante. »[4]
Bien que la plaignante fût réintégrée dans ses fonctions, ses agissements, notamment son attitude cavalière et de confrontation, lui ont valu une suspension de 4 mois sans solde.
En définitive, Les conséquences de tels empressements sont importantes, tant financièrement que pour la réputation de la Ville. Malgré le fait que la transition ne soit pas toujours facile entre les nouveaux élus et les fonctionnaires en place, il importe de procéder avec patience et de réellement tenter de travailler ensemble pour le bien des citoyens.
En somme, nous ne pouvons trop insister sur l’importance de ne pas précipiter les décisions de destitution et de consulter des professionnels en la matière afin de prendre des décisions éclairées.
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1 Bussières et Ste-Brigitte-de-Laval, 2015 QCCRT 0396, para. 732.
2 Nadeau c. Saint-Prosper (Municipalité de), 2010 QCCRT 0044.
3 Id., para. 111.
4 Polard et St-Joseph-de-Ham-Sud (Municipalité de), 2005 QCCRT 0147, para. 213.
Cet article a été publié sur le site Québec Municipal le 1er octobre 2015.