Bientôt les époux ne seront plus des partenaires économiques malgré eux.
Les actions d’une compagnie fondée par un époux durant le mariage ne tomberont plus sous la coupe d’une société d’acquêts dont l’étendue n’avait pas été mesurée au moment du mariage.
Dans la foulée de l’arrêt Lola c. Éric, le nouveau droit de la famille donnera libre cours aux principes de l’autonomie de la volonté et de la liberté contractuelle et ce autant pour les époux que pour les conjoints de fait. Il ne reste plus au gouvernement du Québec qu’à mettre en place les amendements législatifs prévus par le comité consultatif sur le droit de la famille. La réforme, si elle a lieu, sera radicale. En voici les recommandations les plus saillantes
Premièrement, le mariage ne génèrera plus d’obligations financières entre les époux. À cet effet, le nouveau droit de la famille entend dissocier le mariage lui- même des obligations économiques qui en découlent jusqu’à présent.
Les québécois(es) pourront toujours procéder à la cérémonie du mariage, pour des raisons personnelles, religieuses ou sociales, mais au nom de l’autonomie de la volonté et de la liberté contractuelle qui prévaudront à l’avenir, il sera désormais loisible à tous de choisir «à la carte» les effets économiques qui leur conviennent et de se soustraire aux autres
L’assiette de partage de la société d’acquêts étant jugée «beaucoup trop large » au regard des nouvelles réalités économiques, ce régime matrimonial cessera d’être imposé par défaut aux époux qui n’en auront pas choisi un autre.
La portée du nouveau régime matrimonial légal s’étendra uniquement aux résidences de la famille, aux régimes de retraite, aux véhicules automobiles et aux meubles du ménage. Ce qui correspond à ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de «patrimoine familial» à cette différence près que les époux auront désormais la possibilité de s’y soustraire et les conjoints de fait d’y souscrire. Bref, tous pourront se tailler un régime matrimonial à leur mesure.
La responsabilité solidaire des époux à l’égard des dettes du ménage disparaîtra également. Sera abrogé l’article 397 du Code civil stipulant que «l’époux qui contracte pour les besoins courants de la famille engage aussi pour le tout son conjoint non séparé de corps ».
Terminée également l’époque du «ménage à trois» avec un tribunal qui, dans l’exercice de ses pouvoirs discrétionnaires, aura toujours le dernier mot. À l’avenir, seules les obligations prévues au contrat de mariage (ou de vie commune) auront force de loi entre les conjoints.
Il n’y aura plus qu’une seule obligation monétaire incontournable à laquelle ni les conjoints de fait ni les époux ne pourront se soustraire: le nouveau «régime parental impératif». Il s’agit d’un concept nouveau qui vise à compenser un parent dont l’emploi ou la carrière a été mis en veilleuse et qui aura subi une perte de revenu quantifiable tant pendant la vie commune que dans un avenir raisonnablement prévisible au moment de la rupture. Cette obligation, à laquelle les parents ne pourront se soustraire, ne découlera pas du mariage ni de la vie commune, mais de la naissance d’un enfant qui, pour cette raison, sera qualifié de «pivot de la famille».
Dans cette optique, la «prestation compensatoire parentale» qui découle du nouveau «régime parental impératif» vise à compenser les désavantages économiques subis en raison du partage des rôles parentaux. En outre, cette perte économique devra être «non-proportionnelle», c’est-à-dire que si le revenu de chacun des parents diminue dans une proportion égale, aucune prestation compensatoire ne pourra être réclamée. Par exemple, si un parent déclare un revenu de 200 000 $ par année et l’autre 20 000 $, s’ ils subissent chacun une diminution de revenu de 25% attribuable à leur rôle de parent, aucune compensation monétaire ne pourra être réclamée, le pourcentage des pertes étant le même pour chacun, et ce même si la baisse de revenu est beaucoup plus névralgique pour l’un que pour l’autre.
Plusieurs voix se sont élevées pour manifester leur inquiétude devant l’absence quasi-totale de garde-fou législatif pour les conjoints les plus vulnérables.
Pour pallier ces difficultés, on se propose d’intensifier l’information et la publicité auprès du grand public afin qu’il connaisse ses droits. Une séance d’information obligatoire par un avocat ou un notaire est même prévue à cet effet. Ce juriste émettra ensuite un document certifiant que les futurs conjoints mesurent bien la portée de leurs ententes faute de quoi le célébrant ne pourra procéder à la cérémonie du mariage.
Une difficulté majeure fait pourtant obstacle à la mise en application complète de la réforme. Elle provient du partage des compétences prévu par la constitution de 1867. En toute logique les époux devraient pouvoir se soustraire à l’obligation alimentaire qui subsiste après un jugement de divorce, nous n’avons cependant pas le pouvoir de l’abroger puisqu’elle découle de la Loi fédérale sur le divorce. Il nous faudra donc «rapatrier» ce pouvoir pour que notre droit familial réponde enfin aux deux principes sur lesquels la réforme doit reposer : la liberté contractuelle et l’autonomie de la volonté.