Les litiges entre voisins sont maintenant chose fréquente, tout comme le fait de les judiciariser. S’il faut reconnaître que les municipalités ont un rôle à jouer dans l’élaboration et l’application des règles qui encadrent la vie en société, leur en faire reproche et tenter de les impliquer dans un litige entre voisins peut coûter cher.
C’est du moins ce qu’a récemment appris Monsieur Tousignant qui a fait l’objet d’un jugement sévère à son endroit rendu par l’Honorable Juge Gouin, de la Cour supérieure, qui a rejeté son recours en mandamus, jugement déclaratoire et dommages-intérêts, et l’a condamné à verser 12 874,74 $ à la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Comme le rapporte l’Honorable Juge Gouin, Monsieur Tousignant et sa voisine n’en finissaient plus de se détester et d’infliger leurs récriminations incessantes à ceux gravitant autour d’eux. Par son recours, Monsieur Tousignant tentait d’impliquer la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, au motif de son inaction alléguée à faire respecter sa réglementation, en la forçant à devenir partie prenante de ses troubles de voisinage.
Dans son analyse, l’Honorable Juge Gouin retient de la jurisprudence et doctrine, les deux principes suivants : a. dans la mesure où un processus raisonnable d’examen du respect de la réglementation existe et est suivi, une municipalité ne peut être contrainte par voie judiciaire à instituer des procédures pour appliquer ses règlements; et b. la décision réfléchie d’une municipalité quant aux actes à prendre ou ne pas prendre dans le cadre de sa réglementation doit être respectée.
À la lumière des faits portés à son attention, l’Honorable Juge Gouin a conclu que la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu ne devait pas s’impliquer dans le litige opposant Monsieur Tousignant et sa voisine. Ainsi, la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu avait exercé raisonnablement sa discrétion quant aux gestes à poser et aux décisions à prendre dans le cas précis soulevé par Monsieur Tousignant.
L’Honorable Juge Gouin est même allé plus loin en concluant qu’il était heureux que la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu jouisse d’une telle discrétion, car il serait totalement inacceptable qu’elle se mêle de la chicane entre voisins, aux frais des citoyens. Selon lui, la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu avait fait preuve d’une analyse objective de la situation et, dans les circonstances, sa décision de ne pas s’impliquer était plus que justifiée. Et l’Honorable Juge Gouin de rappeler : « La Ville n’a pas à arbitrer les chicanes entre voisins, tel n’est pas son rôle. ».
L’Honorable Juge Gouin a affirmé que le dépôt d’un acte judiciaire est un geste très sérieux qui engage l’intégrité de celui qui en prend l’initiative. Ainsi, l’article 54.4 C.p.c. permet donc de rendre des ordonnances pour indemniser ceux qui font l’objet de demandes en justice revêtant un caractère abusif, même si elles résultent de la témérité de celui qui initie la procédure.
Pour l’Honorable Juge Gouin, Monsieur Tousignant avait fait preuve de témérité en déposant sa procédure. Ainsi, il était clair, à la lumière du principe à l’effet qu’une municipalité dispose d’un pouvoir discrétionnaire incontesté relativement au suivi des situations reliées à sa réglementation, que la procédure de Monsieur Tousignant était mal fondée.
L’Honorable Juge Gouin a conclu qu’il doit y avoir des conséquences dissuasives au fait d’instituer de telles procédures. Ainsi, il a accordé à la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu le remboursement de ses honoraires, soit 12 874,74 $, rejetant du même coup le recours de Monsieur Tousignant.
En mai dernier, Monsieur Tousignant a porté en appel cette décision de l’Honorable Juge Gouin, il sera donc intéressant de voir ce que la Cour d’appel du Québec aura à dire sur le sujet.
Cet article a été publié sur le site Québec Municipal le 8 juin 2015