Lorsque les municipalités doivent réaliser des travaux municipaux tels que des travaux d’aqueduc, d’égout ou de voirie, plusieurs options s’offrent à elles. Certaines optent, lorsqu’elles ont adopté un règlement à cette fin, à faire réaliser de tels travaux par le biais d’une entente relative aux travaux municipaux avec un promoteur.
D’autres, selon les circonstances, optent plutôt à réaliser et à financer elles-mêmes ces travaux. Dans cette éventualité, elles doivent s’assurer d’affecter les sommes nécessaires au paiement de ceux-ci conformément à la Loi sur les travaux municipaux[1]. Suivant l’application de cette Loi, ces sommes peuvent provenir de son fonds général, d’un fonds de roulement, d’une subvention du gouvernement ou de l’un de ses ministres ou organismes qui lui a déjà été versée ou dont le versement lui est assuré, ou encore au moyen d’un règlement d’emprunt ou d’une taxe spéciale. À moins d’une disposition spécifique permettant de passer outre à la Loi sur les travaux municipaux, telle que celle applicable dans le cadre des ententes relatives aux travaux municipaux financés par un promoteur[2], les contrats passés en violation des dispositions de la Loi sur les travaux municipaux sont nuls de nullité absolue et ne lient pas la municipalité.
Le choix du mode de financement par la municipalité relève de la discrétion du Conseil municipal. Généralement, le Conseil municipal choisit d’adopter un règlement d’emprunt et d’imposer une taxe spéciale aux propriétaires d’immeubles bénéficiant des travaux. Le Conseil peut également utiliser une combinaison des autres méthodes de financement mentionnées plus haut. Il est effectivement commun de financer une partie des travaux par le biais d’une subvention et une par un règlement d’emprunt dont le remboursement est assuré par l’imposition d’une taxe spéciale.
Néanmoins, la taxe spéciale imposée doit l’être à l’égard des propriétaires d’immeubles bénéficiant des travaux ou susceptibles d’en bénéficier. En effet, le bénéfice peut être actuel ou éventuel. Ainsi, un immeuble vacant ou jouissant d’un puits artésien ou d’une fosse septique est susceptible, éventuellement, de bénéficier des travaux d’aqueduc et d’égout. Récemment, à ce sujet, le juge Wery de la Cour supérieure écrivait : « […], il faut d’abord savoir qu’un propriétaire ne peut opposer son autosuffisance pour refuser de contribuer à des travaux qui seraient susceptibles de lui profiter »[3]. Il est également intéressant de constater que le juge Wery, dans cette affaire, a qualifié de bénéfice éventuel le développement économique du secteur qui suivait la réalisation d’un nouveau boulevard urbain.
La taxe spéciale imposée peut, à la discrétion du Conseil, s’établir sur la base d’une caractéristique de l’immeuble telle que sa superficie, son étendue en front, sa valeur ou encore opter pour une compensation établie, par exemple, selon des catégories d’immeubles.
Bien que ces décisions relèvent du pouvoir discrétionnaire accordé au Conseil municipal qui doit, selon les circonstances, prendre sa décision dans l’intérêt public, chacune des issues risque, selon l’idéologie des différents groupes de citoyens, d’être contestée.
Toutefois, le fardeau de la preuve imposé au contestataire de l’imposition d’une telle taxe est exigeant. Les tribunaux n’interviendront que si la décision du Conseil est frauduleuse, discriminatoire, déraisonnable, injuste ou empreinte de mauvaise foi.
Les tribunaux reconnaissent qu’ils doivent faire preuve d’une grande retenue face aux décisions d’un Conseil municipal qui doit jouir de l’autonomie nécessaire pour exercer ses activités sans une intervention des tribunaux qui ne serait pas nettement justifiée[4].
Néanmoins, chaque cas est un cas d’espèce et doit faire l’objet d’une analyse selon les particularités du projet.
[1] R.L.R.Q. c. T-14
[2] Article 145.26 Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (R.L.R.Q. c. C-19.1)
[3] 2622-6241 Québec inc. c. Berthierville (Ville de), 2015 QCCS 2125
[4] Produits Shell Canada ltée c. Vancouver (Ville de), [1994] 1 R.C.S. 231
Cet article a été publié sur le site Québec Municipal le 1er août 2015