Dunton Rainville célèbre ses bons coups en saluant Me Alain Chevrier, sommité en matière de droit de l’environnement et de droit municipal, pour sa brillante gestion d’un dossier d’indemnisation découlant d’un décret d’urgence du ministre de l’environnement fédéral.
En 2010, la cliente de Me Chevrier, Groupe Maison Candiac (GMC), a obtenu du ministère de l’environnement du Québec un certificat d’autorisation lui permettant de mettre en branle un important projet domiciliaire sur les territoires des municipalités de Candiac, St-Philippe et La Prairie. Vu la présence de rainettes faux-grillon de l’ouest (RFGO) sur une portion de la propriété de GMC, ledit ministère l’a obligée à aménager une zone de conservation, de même que des bassins artificiels en vue de protéger ladite espèce.
Après avoir mis en place cette zone de conservation et aménagé les bassins artificiels, GMC a pu compléter son projet à Candiac. En 2016, alors qu’elle venait d’amorcer la 2ième phase de son projet à St-Philippe et à La Prairie, le gouvernement du Canada a adopté un décret d’urgence visant à protéger la RFGO dans la région. L’effet concret de ce décret fut d’empêcher GMC de développer quelques 122 lots à des fins résidentielles, ce qui représentait pour elle des pertes de plus de 20 millions de dollars.
La Loi sur les espèces en péril octroie au ministre de l’Environnement fédéral le pouvoir d’accorder une indemnité aux personnes visées par un décret d’urgence pour les pertes reliées aux conséquences extraordinaires découlant de l’adoption d’un tel décret. GMC a donc déposé une demande d’indemnité auprès du ministre. Or, celui-ci l’a refusée au motif que ces pertes de quelques 20 millions de dollars ne constituaient pas une « conséquence extraordinaire » découlant de l’adoption du décret d’urgence.
C’est cette décision que la Cour fédérale a annulée, le 19 décembre dernier, au motif qu’elle est déraisonnable.
Selon la Cour, ce qui constitue une conséquence extraordinaire dépend du contexte, mais la conclusion du ministre doit être conforme aux objets de la loi qui visent à encourager les Canadiens à participer aux efforts de conservation et, dans certains cas, à partager les frais en découlant. En l’espèce, le ministre n’a pas justifié en quoi sa décision était compatible avec ces objets. Sa décision n’explique pas comment elle va encourager les Canadiens à participer à cet effort de conservation dans le futur. Selon le tribunal, le ministre doit s’interroger sur la possibilité que cela amène plutôt les Canadiens à détruire l’habitat de l’espèce, de peur d’encourir des pertes qui ne seront pas indemnisées, comme ce fut le cas aux États-Unis. Puisque le coût doit être partagé, l’indemnité ne doit pas nécessairement couvrir toutes les pertes mais le partage des coûts doit néanmoins encourager les Canadiens dans leurs efforts de conservation.
Le dossier a donc été retourné au ministre pour reconsidération.